Pourquoi la norme révisée X46-020 ne doit pas être homologuée en l’état? (RésoA+)

mars 16 14:47 2017

RésoA+ se définit comme le « réseau des acteurs civils ou professionnels du bâtiment de haute sécurité sanitaire environnementale ». L’association est notamment engagée dans la remédiation de l’amiante. Plusieurs de ses membres participent activement à la commission Afnor X46D.

Ou comment le nœud gordien des textes fondamentaux de 1997 « santé/travail » peut-il rester intact après 21 ans d’application…

La commission X46D Afnor a clôt mardi 14 mars 2017, les travaux de révision de la norme NF X46-020 « repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante » après plus de 6 mois de dépouillement et plus de trois ans de travaux de révision.

Alors que les travaux de révision engagés en avril 2013 étaient annoncés comme simple nettoyage d’un texte normatif en décalage depuis l’entrée en vigueur du décret 2011-629 du 3 juin 2011 modifiant le Code de la Santé Publique, les membres de la commission convinrent rapidement que la tâche serait plus ardue.

D’une part, certaines notions développées par le décret et ses arrêtés d’application devaient être explicitées, développées avant d’être introduites dans le corpus normatif, d’autre part d’autres « oubliées » par le réglementeur ne pourraient pas si facilement être rayées de la règle de l’art. Ce fut le cas des fameuses « zones présentant des similitudes d’ouvrage » d’une part et de la notion de « matériau ou produit susceptible de contenir de l’amiante » d’autre part.

La volonté de simplification accompagna les travaux de la commission X46D qui proposa ainsi de revenir à une seule « figure » explicitant toute « mission de repérage », quelle que soit la nature de la commande.La volonté de repenser le cadre d’une mission de repérage en insistant sur les obligations concomitantes des opérateurs et de leurs donneurs d’ordre s’attaqua dans un premier temps à la mission la plus complexe, le repérage avant travaux ultérieurs. La mission confiée au Groupe de Travail GT8 « révision de la norme X46-020 » entraina dans un premiers temps une version ignorant les autres situations, à savoir la vente d’un immeuble, la création ou la mise à jour d’un DTa, d’un DA-PP, voire d’un diagnostic avant location…

Par contre un consensus permit de considérer que le repérage avant démolition était en fait une version réglementée d’un diagnostic avant travaux de démolition. RésoA+ insista d’ailleurs pour que l’on associe directement la situation de sinistre à ce type de mission.

In fine, les autres types de mission furent introduites dans le corpus dédié initialement au repérage avant travaux, y compris travaux de démolition, y compris en cas de sinistre.

Ainsi, les travaux de poursuivre jusqu’au 6 avril 2016 lors d’une séance plénière qui autorisa Afnor à soumettre le projet de norme révisée à l’enquête publique. Notons que ce jour là, les trois directions ministérielles étaient représentées, notamment par le Chef du Bureau CT2 de la DGT. Le consensus était enfin réuni, même si la consultation s’annonçait mouvementée.

Après quelques péripéties et tentatives d’annulation de l’enquête, il fallut attendre fin août pour apprendre que la DGT avait formulé le 21 juillet plusieurs critiques de fond et argumenté sa position dans un courrier adressé au directeur d’Afnor Normalisation.
La promulgation de la loi Travail comportant un article introduisant (enfin) la fourniture d’un repérage amiante avant travaux dans les obligations préliminaires du donneur d’ordre, M. Yves Strillou, DGT, demandait qu’une rencontre avec ses services puisse définir les conditions de recentrage du projet de norme X46-020 sur l’immeuble bâti et la mise en place d’un dispositif de consultation d’expert pour les autres domaines visés par le Code du travail (autres immeubles que bâti, navires, ferroviaire, articles…).

Lors d’une séance exceptionnelle de la commission X46D, et après une rencontre préparatoire avec les ministères concernés, le président de la commission proposa à la commission de dépouillement de se réunir sur la base d’une version amendée selon les modifications introduites par la volonté interministérielle. Un nouveau consensus fut trouvé, le dépouillement pouvait commencer selon un nouveau calendrier permettant d’espérer une homologation avant fin 2016. Deux rendez-vous étaient fixés au 10 et 18 octobre.

Or dès la première réunion, l’ampleur exceptionnelle des commentaires parvenus lors de l’enquête publique, associée à la participation tonitruante de plusieurs répondants à la dite enquête, mais « non membres de la X46D » et farouchement opposés à la publication de ce projet de révision, entraina de facto l’étalement de l’épreuve du dépouillement.

Concomitamment, trois événements ministériels subissaient les affres de l’émergence réglementaire.

  • Coté ministère du Travail: le projet de décret d’application promis avant fin 2016, subissait les foudres des représentants des élus locaux du Comité National de l’évaluation des Normes qui jugea le 1er décembre 2016 et à l’unanimité « que les concertations sont inachevées et que les nombreuses incertitudes juridiques, financières, techniques et pénales doivent être levées » avant d’espérer obtenir un avis favorable…
  • Coté ministère de la Santé: le nouvel arrêté compétence amiante, publié le 25 juillet 2016, régissant la certification des diagnostiqueurs, modifiait les prérequis des impétrants et des certifiés en introduisant l’obligation de formation initiale et continue, en préliminaire au cycle de recertification attendu en 2017, sans pour autant imposer ouvertement le prérequis attendu par le ministère du Travail (compétence SS4) ni l’usage de la norme X46-020 dans les items de la certification. Les représentants de la profession demandèrent le report de l’entrée en vigueur de ce texte, en arguant notamment du retard pris par le dépouillement de la norme et le besoin de programmer et financer les programmes de formation.
  • Coté ministère du Logement: Fort occupé à piloter le Plan de Recherche et de Développement Amiante, la DGALN fut le grand absent durant les travaux de dépouillement. Toutefois, le retrait in extremis du projet de norme révisée de la mission « diagnostic amiante avant location », exigé par le représentant ministériel, entrait en contradiction avec le souhait de Madame la ministre du Logement de publier en 2017, le décret prévu dans la loi Alur, en harmonie avec les nouveaux textes imposant les diagnostics des installations électriques et de gaz au 1er juillet 2017.

C’est dans cette ambiance que se posa la question de trancher ou non la décision de publier ou non le projet de révision amendé, puis modifié via des commentaires retenus et enfin corrigé des écarts rédactionnels, ce à moins de 18 mois de  l’anniversaire de l’homologation de autres domaines d’activités concernés par le Code du travail…

L’ultime séance prévue le 24 janvier 2017 s’acheva sur le constat de l’absence de consensus, notamment sur des notions fondamentales qui restaient floues voire contradictoires, notamment la stratégie d’échantillonnage, principe fondamental résultant de l’entrée en vigueur des zones présentant des similitudes d’ouvrage…

Une nouvelle date était programmée le 14 mars, en remplacement d’un créneau de commission plénière annuelle. Le texte définitif, retravaillé partiellement par la DGT fut transmis aux membres une semaine avant.

D’emblée la représentante du ministère de la Santé déclara que cette séance serait la dernière. La norme devait être publiée avant la fin du semestre, soit avant le 1er juillet 2017. Et ce vu la question de la certification des diagnostiqueurs amiante, sans pour autant nous informer sur le projet de modification en cours.

A défaut de consensus, le ministère s’autoriserait à publier un arrêté relatif aux modalités de repérage, en effectuant un « copier-coller » du projet de norme en l’état.

Alors que la séance était programmée pour la journée, le Président proposa aux membres présents de tenter un achèvement de la relecture de la norme révisée avant de lever la séance pour la pause déjeuner.

Vers 12h00, la majorité des membres se prononça pour tenter d’en finir…

Devant cette situation irrationnelle de passage en force, et:

  • ayant signalé l’ambiguïté du statut de la réunion ni de dépouillement, ni plénière, ni exceptionnel, mais juste « d’ajustement rédactionnel »;
  • alors même que plusieurs questions fondamentales n’étaient pas tranchées, des définitions absentes ou ambiguës…;
  • actant que des modifications furent enregistrées empiriquement sur la base d’un texte présenté en séance sans avoir été préalablement transmis aux membres,  enfreignant les règles de finalisation rédactionnelle;
  • faisant remarquer qu’un amendement de dernière minute était accepté car oublié lors du dépouillement;
  • constatant l’arrivée en fin de réunion de plusieurs membres n’ayant pas assisté aux ultimes échanges, mais invités malgré tout à participer à l’issue de cette séance;

le représentant de RésoA+ quitta la salle à 13h00, refusant de cautionner cette situation.

A 13h15, le Président de la X46D leva la séance. Les représentants de la DGT et DGS actèrent l’absence de non consensus manifeste, malgré quelque brouhaha. La date du 13 juin fut décidée pour réunir la Commission X46D en séance plénière. Dont acte. Ainsi fut, semble-t-il, et selon les témoins présents, tranché ce nœud cornélien à trois fils.

Ainsi le ministère du Travail peut se dire satisfait d’un texte recentré sur les immeubles bâtis sur lequel il pourra s’appuyer pour extrapoler ceux régissant les arrêtés à venir consacrés aux autres articles, équipements, installations visés par le Code du travail…

Ainsi le ministère de la Santé pourra revendiquer médiatiquement son implication dans l’homologation d’un texte normatif, symbole d’un consensus technique de la profession, pour justifier l’harmonie des règles de l’art protégeant la santé des populations…

Ainsi le ministère du Logement peut rassurer ses contradicteurs arguant de difficultés dans la certification des diagnostiqueurs immobiliers, tout en regrettant que cette norme n’ait pas eu le temps d’aborder la question du Diagnostic Locatif Amiante, dont la publication serait imminente…

Ainsi le Premier Ministre, garant de l’implication du gouvernement dans l’enjeu de santé publique, peut envisager d’annoncer le Plan d’Actions Interministériel Amiante, dans cette période de vacances législatives.
Or, cette ambiance idyllique risque fort de connaitre un printemps de turbulences.

Pour sa part, fort des résultats de la consultation du Club X46D-A+, le Président du Conseil d’Administration de Réso A+ écrira au Directeur d’Afnor Normalisation pour faire part de son opposition à l’homologation du projet de norme X46-020 révisé en l’état, révélant ainsi une absence de consensus d’une partie des membres de la X46D. Une solution pourrait alors consister à soumettre la version finalisée de nouveau à enquête publique.

Car si le texte normatif a été considérablement nettoyé, agréablement simplifié et permet honorablement d’intégrer les notions réglementaires les plus récentes, défendant le principe d’un « métier unique d’opérateur de repérage », tout en explicitant les spécificités des différentes missions, il reste orphelin d’un consensus abouti dans la sérénité qu’aurait du prendre soin d’organiser les autorités concernées, alors même qu’aucune urgence n’était évoquée de la part des membres de la commission, sauf peut-être celle d’en finir exprimée par certains experts épuisés par tant de palabres…

Il faudra une certaine dose de résilience aux acteurs civils et professionnels, confrontés aux obligations réglementaires et notamment aux candidats à la certification avec mention, pour naviguer entre les torrents jurisprudentiels et les fourches putatives de cette nouvelle règle de l’art.

Épilogue

Le nœud gordien liant les textes jumeaux « santé et travail » du 7 févier 1996 est il toujours intact, efficient?
Pour participer au débat public à l’occasion du vingtième anniversaire de l’interdiction de l’amiante, conjugué en 2017 avec le dixième anniversaire de la certification des opérateurs de repérage et le cinquième anniversaire de la refonte des textes « santé et travail », RésoA+ programme une action de 4 jours, fin mars 2017, à savoir et à rebours:

  • Vendredi 31 mars: Bilan et Synthèse des Règles de l’Art de la remédiation amiante, séance de l’Observatoire National de la Remédiation Amiante organisée au sein de son assemblée générale,
  • Jeudi 30 mars: les membres du Club X46D-A+ et plus généralement les adhérents de RésoA+ sont conviés à assister au Rendez-Vous du Diagnostic Immobilier qui annonce un atelier-débat sur la question amiante le 30 mars à 16h00
  • Mercredi 29 mars: débat public via le ForumA+ sur l’actualité des diagnostics amiante, entre 14h et 17h
  • Enfin, l’ensemble des acteurs civils et professionnels est invité à prendre connaissance du délibéré de la cour d’appel de Brussel dans le procès ETERNIT // Famille JONCKHEERE qui sera rendu le mardi 28 mars 2017.

Plus d’infos sur www.resoAplus.fr

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