Plein phare sur la maquette numérique

Première mission en mer pour OP3D, menée par les partenaires ITGA et Groupe Qualiconsult. Objectif, modéliser en 3D le phare maritime de La Vieille, situé à l’extrémité sud du Finistère et classé au titre des monuments historiques. Le tout couplé à un repérage plomb. Une prestation hors normes, qui permettra de simplifier les opérations de travaux sur le phare.

L’accès au phare de la Vieille, situé en pleine mer d’Iroise, n’est pas réputé facile, le site étant connu pour ses conditions de navigation -et d’abordage- difficiles. Une météo très clémente, très peu de houle. Il n’en fallait pas plus aux cinq partenaires du groupement ITGA-Groupe Qualiconsult pour remplir au mieux cette mission. Objectif ? Numériser le phare de la Vieille, haut de 36 mètres, à l’aide de scanners au sol associés à un relevé par drone. « Nous avions eu une première expérience de maquette numérique en 2019, avec la numérisation du phare du Petit Minou, mais ce dernier était situé à terre », indique Loïc Dhaene, adjoint au responsable de la subdivision des Phares et Balises de Brest de la Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique-Manche Ouest (DIRM NAMO). C’est donc un tout autre challenge pour atteindre le phare de la Vieille : une fenêtre étroite de quelques heures selon les marées.

Après une heure et demie de navigation, l’abordage est sportif depuis qu’une tempête a arraché le quai et les systèmes de treuil. « Il a fallu débarquer un par un, puis se lancer les 60 kg de matériel, de valeur », raconte Étienne Ternisien, responsable bâtiment durable chez ITGA. Les contraintes au cœur du phare sont de taille : une configuration très étroite et très verticale, avec un escalier en colimaçon d’une centaine de marches, larges de 60 cm seulement. « C’est ce dernier qui nous a pris le plus de temps à scanner, car la place y est très restreinte », ajoute le responsable bâtiment durable. Le cheminement vertical complexifie également le travail de recollement : « On doit s’assurer qu’il n’y aura pas de décalage au post-traitement. » Et au vu de l’accès difficile au phare, mieux vaut avoir trop de relevés et d’informations, que pas assez. C’est pourquoi, pour intervenir le plus efficacement possible sur la journée, les partenaires ont mis davantage de moyens humains. « Mais c’est une mission qui se révèle, au final, réalisable par un seul opérateur », souligne Étienne Ternisien.

Pour ce projet, un LOD 200 -pour level of detail, ou niveau de détail- a été demandé, voire 300 pour certains endroits qui nécessitent davantage de détails, comme la salle de veille et ses boiseries fortement dégradées, ou la lentille du phare. Les opérateurs se sont également équipés d’un drone, qui leur a permis de numériser l’extérieur : « Sur ce type d’ouvrage en mer, relever toutes les façades en 3D depuis le sol est difficile car il y a très peu de recul et pas d’accès sur le pourtour, poursuit Étienne Ternisien. Le drone est complémentaire, mais nécessite un télépilote expert. »

En effet, pour permettre à l’engin de voler et d’effectuer ses relevés photogrammétriques et prises de vues, la vitesse de vent maximale ne doit pas excéder plus de 40 km/h, incluant les rafales. Difficile de trouver un créneau pour ne pas dépasser ce chiffre en bord de mer… Au final, les opérateurs et leurs scanners mettront quatre heures pour relever les 36 mètres du phare.

C’est au travers de la problématique amiante que la subdivision des Phares et Balises de Brest s’est intéressée dans un premier temps à la numérisation 3D. « Depuis 1997, puis plus récemment à partir de 2014, nous avons mené des recherches dans tous nos établissements potentiellement concernés par l’amiante, explique Loïc Dhaene, ce qui représente une centaine de phares, maisons feu et tourelles sur les 500 édifices que nous gérons. Depuis 2014, nous avons détecté de l’amiante dans prés de 6% des 1 023 prélèvements réalisés. Le nombre important de dossiers techniques réalisés en prévention ou en prévision de travaux ainsi que le nombre de prélèvements, nous fournissent une masse importante d’informations qui est complexe à s’approprier et gérer. Nous cherchons donc une solution pérenne répondant à ces aspects “hygiène – sécurité”.» D’autant que d’autres produits dangereux sont aussi présents dans ces édifices : plomb, mercure dans les optiques des phares… Il s’agit alors de sécuriser les interventions des agents en accédant facilement aux informations. « Le BIM s’est donc imposé, avec une maquette permettant d’identifier les éléments, de renvoyer sur des rapports, des prélèvements, etc.»

Le phare de la Vieille est inscrit au titre des monuments historiques depuis 2015. « Les phares sont au cœur du patrimoine breton, et leur préservation est un enjeu de taille, souligne Loïc Dhaene. Depuis plusieurs années, nous sommes en relation avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), pour organiser la conservation de ce patrimoine. » Cette mission de numérisation 3D a ainsi été financée par la Drac, à hauteur de 6 000 euros.

Jusqu’à présent, il n’existait pas de plans exacts du phare entré en service en 1887. La numérisation a donc permis de combler cette lacune, de sauvegarder les informations, et de simplifier la réalisation des différentes phases de travaux -en cours et à venir- sur l’établissement. « Le programme de rénovation est ambitieux, puisqu’il s’agit de rétablir le phare dans sa configuration initiale », ajoute l’adjoint au responsable de la subdivision des Phares et balises de Brest. Le phare a en effet subi des modifications au fil des années dues aux évolutions techniques, à l’instar de l’arrivée de l’électricité. « La maquette -qui servira autant à notre régie qu’aux entreprises de travaux extérieures- nous permet de visualiser les images à 360°, de disposer des mesures directement, sans devoir multiplier les allers-retours en mer. Car les coûts de déplacement sont élevés, et les risques également. » Le post-traitement des scanners sera associé aux relevés du drone pour établir la maquette numérique. Les partenaires OP3D ont également réalisé une visite virtuelle du phare, qui permettra d’obtenir à distance des informations sur le lieu, et notamment la prise de cotes pour les futurs travaux de restauration. « Il ne nous restera plus qu’à nous approprier la maquette ! », conclut Loïc Dhaene.

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