juillet 08 12:45 2020

Me Damien Jost, avocat au barreau de Paris.

Me Damien Jost, avocat au barreau de Paris, revient sur un récent arrêt de la cour d’appel de Rennes. Parce que le notaire n’avait pas suggéré la réalisation d’un état parasitaire, il se voit lourdement condamné pour avoir manqué à son devoir de conseil.

« Une récente décision de justice illustre de façon éclatante ce que peut être le devoir de conseil du notaire en matière de mérule. Ce procès illustre aussi les dérives comportementales parfois déclenchées par la mérule (ou d’autres agents) : mauvaise foi du vendeur, laxisme du notaire.

La sentence rendue s’avère d’autant plus intéressante qu’elle a donné l’occasion au juge d’expliquer les choses de façon logique, concrète et détaillée. C’est donc aussi pour tout professionnel, tel le diagnostiqueur, une occasion (assez rare) de mieux saisir les attentes du juge en matière de devoir de conseil. Ce résultat judiciaire contribuera donc, peut-être, au rééquilibrage des responsabilités entre professionnels concernés par les litiges parasitaires (tout en rappelant au donneur d’ordre sa propre responsabilité).

La situation était la suivante : un notaire rédige un compromis puis un acte de vente (la vente n’ayant pas été négociée par lui), concernant une vaste demeure de caractère, probablement ancienne, située dans le nord-ouest de l’hexagone. Les actes rédigés par le notaire n’ont été accompagnés d’aucun état parasitaire, alors que le vendeur, mais aussi le notaire, connaissaient tous deux l’existence d’un risque mérule dans la maison vendue.

En effet, le notaire possédait lui-même un bâtiment attenant au bâtiment vendu (ces biens composant chacun une aile d’un même ensemble). Ces biens avaient chacun fait l’objet d’un traitement contre la mérule, plusieurs années avant la vente, mais de façon partielle (et donc inefficace).

Devant les juges, le notaire n’hésita pas à avancer plusieurs arguments en défense, qui démontrent que les notaires n’ont toujours pas conscience que le risque mérule (comme d’autres risques) peut engager lourdement leur responsabilité, même quand le notaire n’est qu’un « rédacteur d’acte » (et ne participe donc pas à la négociation de la vente).

Pour l’essentiel, le notaire – paraissant avoir oublié qu’il était personnellement propriétaire d’une partie du bâtiment – se défendit de la façon suivante :

  • le diagnostic parasitaire n’est pas obligatoire, de sorte que le notaire n’était pas tenu de conseiller aux parties de faire effectuer un tel examen;
  • ce diagnostic, même s’il avait été effectué n’aurait pas permis de déceler la présence de mérule (puisque celle-ci n’était pas apparente et que seuls des sondages destructifs ont révélé sa présence).

Cette argumentation n’a pas convaincu les juges. A juste titre. Selon eux, le devoir de conseil oblige le notaire (mais peut-être aussi d’autres professionnels) à vérifier, mais aussi, quand la situation l’exige, à « suggérer », c’est-à-dire à proposer des actions qui permettront de sécuriser l’acquéreur, telle la réalisation d’un diagnostic parasitaire (bien que celui-ci ne soit pas obligatoire).

Le passé du bien, donnée essentielle

Les juges ont également retenu que le notaire s’était montré beaucoup trop peu bavard dans les actes rédigés par lui sur le passé du bien (travaux et traitements), alors que de telles informations étaient essentielles pour mieux comprendre la situation potentiellement grave du bien vendu. En effet, ces données permettent à l’acquéreur de mieux appréhender la situation exacte du bien, mais aussi de l’inciter à déclencher des investigations complémentaires en cas de doute sur l’état réel du bâti.

Dans ce type de litige, l’expérience montre que les notaires sont généralement peu enclins à se montrer très précis sur le passé du bien (peut-être dans le but de ne pas effrayer l’acquéreur). Or un acte notarié insuffisamment précis aura parfois (souvent ?) pour conséquence indirecte d’augmenter le risque de mise en cause pour le diagnostiqueur, notamment si le rapport de celui-ci ne conseille pas suffisamment le lecteur face à des indices d’infestation (par exemple pour effectuer des investigations destructives).

Ce nouvel exemple jurisprudentiel – d’une grande valeur didactique – devrait donc inciter chacun à plus de devoir de conseil dans ses rapports et autres écrits (notamment lorsqu’il existe des indices ou des facteurs de risques, et que tout n’a pu être examiné dans l’immeuble). »

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