Examinateur, tuteur, formateur… Zoom sur des métiers en tension

Les organismes de formation et de certification recrutent actuellement de nouveaux profils. Pour des missions stimulantes mais exigeantes, et en pleine évolution.

Formations initiales et continues allongées pour le DPE et l’audit énergétique mais surtout contrôles sur ouvrages renforcés, arrivée du tutorat et montée en puissance de la formation en alternance… Les nouveaux besoins de la filière nécessitent d’embaucher chez les organismes de formation et de certification. « Nous allons recruter des formateurs spécialisés, des thermiciens notamment, explique Jean-Marc Verney (Irilus formation, Afiden), qui anticipe également l’arrivée du tutorat DPE. Nous allons piocher dans notre vivier de formateurs, mais nous recrutons aussi de nouveaux profils, pour être le plus réactifs possible dans chaque région », poursuit le responsable d’Irilus formation.

Un point de vue confirmé par Yann Vogel (ODI formation, AOFDI) : « Le tutorat va nécessiter de recruter rapidement des professionnels spécialisés alors que beaucoup de formateurs sont multicartes. Il est fort probable qu’il y ait un appel d’air. » Côté organisme de certification, la multiplication des contrôles sur ouvrages va aussi nécessiter des bras, et des cerveaux, supplémentaires. « Il y a 1 000 à 1 500 diagnostiqueurs formés chaque année : il va donc falloir absorber autant de CSO et de tutorats tous les ans à compter du 1er juillet 2024 », évalue Hervé Pogam (Abcidia formation et certification, AOFDI).

Pré-requis techniques

Face à ce pic d’activité inédit, les missions de formation et de certification vont-elles s’ouvrir plus largement aux diagnostiqueurs ? Oui, mais pas à tous. Il faut d’abord s’assurer de disposer des pré-requis techniques suffisants, listés dans les différents textes réglementaires. En attendant la parution du décret  »audit énergétique », qui précisera le niveau minimum attendu pour ses formateurs, le nouvel arrêté certification DPE du 20 juillet 2023 demande que les nouveaux tuteurs « certifiés et expérimentés » disposent d’une expérience de 5 ans en tant que diagnostiqueur OU d’une expérience de 5 ans en tant que formateur dans le domaine du diagnostic énergétique. Attention cependant, certains organismes demandent plus : « Pour les missions de tutorat, nous privilégierons des certifiés DPE depuis 7 ans au moins », prévoit Jean-Marc Verney.

Aujourd’hui, pour les formateurs, c’est l’arrêté certification du 24 décembre 2021 qui précise les règles du jeu. Ils doivent détenir au minimum l’expérience demandée aux candidats à la certification, soit une expérience de 3 ans de technicien ou agent de maîtrise du bâtiment OU un diplôme bac +2 dans le domaine du bâtiment OU toute autre preuve « de la détention de connaissances équivalentes en lien avec les techniques du bâtiment ».

Pédagogie

Après la technique, une deuxième étape reste à franchir. Celle des compétences pédagogiques, plus difficiles à évaluer, et qui varient selon les missions (formation, examen, tutorat). Pour la formation, la capacité de s’adapter à son public et l’envie de transmettre sont primordiales. Des savoirs qui s’acquièrent sur le tas le plus souvent. « Je n’ai jamais rencontré de  »formateur né », constate Yann Vogel, ils ont rarement tout bon dès le début, et heureusement, c’est ainsi qu’ils progressent. Au fil du temps, ils développent une capacité d’analyse qui permet de cerner les stagiaires et de trouver pour chacun la voie d’embarquement. » « Un bon formateur est à l’écoute, patient et sait jongler avec différentes techniques d’animation, afin de s’adapter à son public et ce quelle que soit l’expérience des apprenants dans le domaine », met en avant Fabienne Aubin, chargée d’ingénierie formation chez Up n’PRO qui assure notamment la formation des formateurs. « Nous sommes également attachés à sa posture éthique et au respect de nos déroulés pédagogiques. »

Pour devenir contrôleur CSO, un solide sens pédagogique est également demandé pour « expliquer précisément les éventuels écarts du diagnostiqueur en les rattachant à la réglementation en vigueur. Il faut donc être rigoureux tout en étant capable de mettre en confiance le candidat », indique Véronique Honnorat, chargée de Compétences d’I.Cert. « Il faut représenter les valeurs de l’organisme avec professionnalisme, impartialité et justesse », témoigne de son côté Gabriel Scheh, contrôleur CSO chez I.Cert.

Concernant le tutorat, les responsables d’OF commencent à se faire une idée des profils à privilégier. « Trouver le juste équilibre de l’arrêté DPE est complexe, chacun peut avoir une interprétation. Les tuteurs seront donc d’abord des formateurs aguerris ayant envie d’évoluer vers cette mission », pour Yann Vogel. « Le tutorat diffère d’un cours en salle avec un support devant une quinzaine de stagiaires pas encore certifiés, abonde Hervé Pogam. Il va nécessiter des formateurs de haute volée en DPE, capables d’apporter des réponses ultra-précises sur le diagnostic à un professionnel certifié. » Dans la même logique, « le tutorat n’est pas un CSO. Le tuteur est là pour accompagner le nouveau certifié, l’aider sur les points complexes. Il va falloir être pédagogue et savoir expliquer pourquoi cette approche convient ou pas, le tout en restant accessible », souligne Jean-Marc Verney.

Indépendance et impartialité

Compétences théoriques et pédagogiques validées, reste à se mettre au clair avec les liens risquant d’entacher l’impartialité, avec des activités de certification par exemple. Et s’il est aujourd’hui possible, dès lors que l’on ne contrôle pas les diagnostiqueurs que l’on a formés dans les 18 derniers mois, d’assumer une double casquette – formateur chez l’un, examinateur ou contrôleur CSO chez l’autre -, la tendance pourrait évoluer.

D’abord parce que la dernière version du projet de décret « audit énergétique » précise que « les examinateurs ne doivent pas avoir de lien (…) avec les organismes de formation ». Ensuite parce que la politique de recrutement de certains évoluent : « Avec la formation en alternance et les formations continues, nous cherchons des formateurs à 100% dédiés à la pédagogie, en animation ou en conception », prévient Laurent Chanconie, responsable pédagogique d’Up n’PRO.

Vers plus de formateurs salariés ?

Formation et certification fonctionnent aujourd’hui avec des salariés comme avec des indépendants collaborant parfois avec plusieurs organismes. « Nous travaillons plutôt en prestation de service ponctuelle avec les formateurs, qui conservent en parallèle un cabinet de diagnostic, mais nous comptons aussi des référents techniques salariés pour les encadrer », explique Jean-Marc Verney. Mais la donne pourrait changer. « Beaucoup de formateurs et examinateurs actuels cumulent diagnostic et formation. Avec le nouveau système, ils devront peut-être faire un choix : poursuivre leur mission de formateur/tuteur de manière plus régulière ou se recentrer sur leur activité de diagnostic », remarque Yann Vogel.

Tout dépendra donc du profil. Up n’PRO recrute des prestataires de formation externes comme des salariés. « Cela dépend du thème enseigné et du profil du formateur, mais pour maîtriser son sujet, il faut souvent animer plusieurs sessions par an, indique Laurent Chanconie. Par ailleurs, nous recherchons aussi des référents techniques thématiques, pas forcément diagnostiqueurs, capables d’intervenir dans la conception pédagogique et d’assurer le suivi technique des stagiaires après formation. »
Un dernier facteur pourrait encourager les organismes de formation à salarier plus de formateurs : le projet de décret portant application de la loi n° 2022-1587, attendu pour fin 2023, qui prévoit de limiter le recours à la sous-traitance pour les formations prises en charge par le Compte personnel de formation (CPF).

Focus : De larges perspectives (aussi) offertes par les formations hors certification et l’alternance

Les organismes de formation se diversifient et inscrivent à leur catalogue des modules allant au-delà des six domaines de certification, nécessitant également des forces vives : gestion commerciale ou juridique par exemple. Par ailleurs, les nouvelles formations préparant à une certification professionnelle RNCP, proposées notamment en alternance, recherchent des professionnels pour assurer les jurys de certification. Profil recherché ? « Des diagnostiqueurs certifiés en exercice depuis au moins 3 ans », précise Laurent Chanconie (Up n’PRO).

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