« Et pourquoi pas le diag amiante à 1€ ! » (Luc Baillet)

mars 10 12:33 2020

Architecte, Luc Baillet est secrétaire de l’association RésoA+,Réseau des acteurs civils ou professionnels du bâtiment de haute sécurité sanitaire environnementale. Depuis 20 ans, RésoA+ milite pour la remédiation de l’amiante en France.

Ce matin j’ai parcouru la page « Prime à la conversion des chaudières » sur le site du ministère de la Transition écologique et solidaire. Je note que celle-ci a été mise à jour le 4 avril 2019.

L’intro est séduisante : « Pour lutter contre les dérèglements climatiques et améliorer le pouvoir d’achat des Français, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de zéro chaudière à fioul d’ici 10 ans. L’État vous aide à remplacer votre ancienne chaudière et à baisser votre facture d’énergie grâce à la prime à la conversion des chaudières qui s’adresse désormais à tous les Français. » Je clique pour chercher la réponse à ma question : « Une chaudière à 1 euro, c’est possible ? » Réponse : « Les offres proposant un reste à charge à 1 €, voire 0 €, concernent les ménages aux revenus modestes. Elles peuvent être financées en cumulant certains des dispositifs suivants :

  • l’aide Habiter mieux agilité de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ;
  • la prime CEE Coup de pouce*;
  • la prime supplémentaire de la part de l’entreprise. Celle-ci peut proposer des travaux à coût global maitrisé.

Le reste à charge à 1 € n’est pas toujours possible, puisqu’il dépend du prix des travaux et du montant de la prime supplémentaire. » Ok, je suis averti.

Mais au fait, qui va payer le repérage amiante avant-travaux ?

Ne trouvant aucune information sur cette page, je saisis le mot « amiante » dans le moteur de recherche. Résultat, 41 articles. On y trouve de tout sur les dangers de l’amiante, le traitement des déchets dangereux, l’aptitude médicale des gens de la mer, la lutte contre les contaminations environnementales, des projets d’arrêtés, l’éco prêt logement social… mais rien sur les aides pour financer les repérages amiante avant-travaux, ni celles pour supporter le cout du désamiantage éventuel…

Alors je me souviens des échanges avec Michèle Rivasi, Euro députée, sur le vote historique du Parlement européen qui adopta le 14 mars 2013 une« Résolution sur les risques liés à l’amiante pour la santé au travail et les perspectives d’élimination complète de l’amiante encore existante. » Deux des soixante et une « invitations » sont criantes de vérité. « Le Parlement européen, (…) demande instamment à la Commission d’intégrer la question de l’amiante dans d’autres politiques, telles que les politiques européennes en matière d’efficacité énergétique et de gestion des déchets ; propose de combiner une stratégie pour la rénovation des bâtiments afin d’en améliorer l’efficacité énergétique, en parallèle avec l’élimination progressive de l’amiante. »

En février 2015, le Comité Économique Social Européen (CESE) renchérit et adopte une recommandation : « Les financements de l’UE et les incitations des États membres consentis pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments devraient être conditionnés au désamiantage en toute sécurité des bâtiments concernés. » En 2016, la réponse de la Commission européenne fut ferme et cinglante. Chacun chez soi, et les résidus d’amiante seront bien gardés. Dès lors, chacun des États de l’Union Européenne était invité à intégrer ces notions dans les politiques nationales. Notons que la Loi de Transition énergétique du 17 août 2015 ne contient ni les termes « amiante », ni « plomb ». Lancé en 2017, le « Pacte Energie Solidarité » aurait-il pu intégrer intelligemment l’exigence de diagnostic sanitaire du bâti existant ?

« Urgence-Amiante-Chaufferies »

Faut-il lancer une pétition et déplorer que « le coup de pouce économies d’énergies 2019-2020 » ignore totalement la question du diagnostic amiante avant-travaux, recherche estimative pourtant rendue obligatoire par le décret du 9 mai 2017 ?

Car les chiffres sont parlants. 600 000 chaudières seront remplacées d’ici fin 2021 pour un budget d’aides financières de 1,2 milliard d’euros permettant de réduire le reste à charge à 1€. Or lesdites chaudières sont pour la plupart anciennes et attachées à un réseau de conduits calorifugés. La première question qui fâche est : « Quel est le surcoût des diagnostics amiante ? » Si l’on estime que la facture moyenne serait de 500€ TTC, analyses comprises, il manquerait alors 300 millions d’euros au budget national.

La seconde question est : « Mais y a-t-il assez d’opérateurs de repérage pour assumer cette charge ? » Je vous laisse imaginer, si en plus on ajoute les 10 millions de combles à rénover, les 50 millions de châssis trentenaires à remplacer… Le constat dramatique est que personne n’a intérêt à soulever le sujet. Ni le ministère de l’Écologie, qui comme me l’avait avoué le conseiller spécial de Cécile Duflot en 2013, « ne tient pas à se tirer une balle dans le pied », ni Madame Michu qui ne veut pas payer un euro de plus, ni René-George Enervé, artisan RGE, qui se dit que s’il évoque le sujet, il perdra sine die le contrat, dans un secteur déjà décrié par les associations de consommateurs. Ni les Fédérations du BTP, Chambres Artisanales…

Une solution in extrémis ?

Et si l’on consultait les 150 citoyens lors de la dernière séance de la « Convention citoyenne pour le climat », prévue les 3 et 4 avril 2020, en leur posant la question simple : « Ce serait comment, le diagnostic amiante à 1 euro ? »

*Montant minimal de CEE que l’entreprise signataire de la charte « Coup de pouce » s’est engagée à verser.

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