juillet 28 10:10 2017

Diagnostics locatifs : la guerre des prix aura-t-elle lieu ?

Les décrets locatifs gaz et électricité, publiés le 13 août dernier, promettent un regain d’activité pour les professionnels. Parviendront-ils à fixer le juste prix ou doit-on craindre une guerre des prix à l’image du DPE ?

Attendus par une partie des professionnels, le gaz et l’électricité viennent gonfler la liste des diagnostics à la location déjà constituée du DPE, du Crep et de l’ERNMT. Cette nouvelle réglementation va-t-elle réellement être synonyme de valeur ajoutée ? Au 1er juillet 2017, la profession devra éponger une première partie de cette nouvelle obligation. Et c’est sans compter le renouvellement des premiers DPE qui advient à la même période. Contrairement à 2012, un changement de stratégie s’impose pour affiner les diagnostics, surtout que l’enjeu de la responsabilité s’intensifie. Si pour le DPE, les diagnostics pratiqués à l’immeuble relevaient de la pratique courante, la profession devra, cette fois, effectuer des diagnostics individuels et passer dans chaque logement.

Copier-coller

Outre plusieurs problématiques qui pourraient impacter les pratiques tarifaires, comme une dépréciation des diagnostics locatifs par rapport à la vente, un back-office à remanier, des bailleurs à gérer, etc. l’objectif des deux nouveaux diagnostics est pourtant de se fondre dans le modèle de la vente.

La Confédération Française du Diagnostic Immobilier, qui a participé à la rédaction des décrets, affiche un certain optimisme pour la profession : « Je ne pense pas que la situation sera identique à celle du DPE, marquée principalement par une guerre des prix et des prestations parfois négligées. Au contraire, la profession a tout à y gagner. La DHUP craignait une absorption difficile face à un surplus de 80 diagnostics gaz et 246 diagnostics électricité pour chaque diagnostiqueur par an, mais je pense qu’ils arriveront à y faire face, en sachant qu’il s’agit de la même méthodologie, des mêmes référentiels et du même rapport. Et leur coût devrait être identique à ceux de la vente puisque nous avions demandé un copier-coller. Les diagnostics existants varient déjà selon la surface du bien et respectent un barème. Il faut donc rester cohérent », explique Vincent Wiart, président de la CFDI.

Coût identique ?

Du coté de la Fidi, le délégué général, Bruno Dumont Saint-Priest, abonde dans le même sens et souligne l’interêt des deux nouveaux diagnostics: « Il n’y a aucune raison que leur prix soit dévalorisé. Contrairement aux autres diagnostics à la location qui sont restés en retrait, ceux-là ont été défendus par les professionnels et les consommateurs. Ils seront d’autant plus pris au sérieux. De plus, ils ont une durée de validité deux fois supérieure. »

L’alignement du prix paraît ainsi légitime pour les fédérations, d’autant plus que le diagnostiqueur endosse souvent un rôle d’arbitre entre le locataire, le propriétaire et le mandataire : « Les anomalies détectées à la vente se retrouveront à la location avec peut-être d’autres dangers spécifiques à ce type de biens. Il n’y a pas d’obligations de travaux dans ces textes mais elles sont induites par le principe de logement décent. La relation entre les parties va être plus “ difficile ” pour la même prestation technique. Il n’y a donc pas de raison de dévaluer ces diagnostics, surtout avec les coûts importants liés à la certification, et la formation », affirme Thierry Marchand, le nouveau président de la Chambre des Diagnostiqueurs Immobiliers FNAIM.

Taux de réalisation proche de 100%

Thierry Marchand s’interroge : « Pourquoi donne t’on généralement plus de droit à un citoyen qui achète plutôt qu’à un citoyen qui loue ? Si on diminue le prix des diagnostics locatifs, on baisse en qualité et donc en sécurité. Cependant, les bailleurs sont aujourd’hui avertis des risques et les associations de consommateurs poursuivent leur rôle d’informateurs auprès des locataires ».

Les diagnostics à la location, auparavant boudés par les professionnels eux-mêmes (préférant remplir leur agenda avec des diagnostics à la vente), devraient gagner du terrain. « En termes d’activité, ces diagnostics devraient représenter 25% de volumes en plus par entreprise », suggère Guillaume Exbrayat, président du réseau Diagamter. Dans son Edito publié à la sortie des décrets sur le site internet Diagamter, il exprime la notion d’égalité entre les diagnostics vente et location, concernant des questions de sécurité : « Les propriétaires occupants ou locataires seront traités à égalité. Et si 100% des ventes immobilières donnent bien lieu à la réalisation des diagnostics, le diagnostic location restait -au moins pour le grand public- perçu comme en seconde division. (… ) Le volume de diagnostics à jour, à annexer au bail, rend difficile et juridiquement risquée l’impasse sur les diagnostics location. Nous attendons donc en 2017 un taux de réalisation des diagnostics location proche de 100% des nouveaux baux. » Ce qui implique les deux nouveaux diagnostics.

Grande responsabilité

Bruno Dumont Saint-Priest, de son côté, suivi par son homologue Vincent Wiart, insiste d’autant plus sur la notion de responsabilité qui détermine la valeur des diagnostics. « La responsabilité de ces deux diagnostics semble aussi importante, si ce n’est plus. Si un diagnostiqueur commet une erreur, sa responsabilité sera d’autant plus engagée vis-à-vis du bailleur et engendrera plus de litiges. On touche à la sécurité des locataires. Il y a une vraie responsabilité partagée, ce qui change la donne. » Il voit même plus loin, en cas de remise en conformité : « La vraie question est même de savoir quelle sera par la suite la politique commerciale menée par les diagnostiqueurs en cas de travaux ? Serait-il judicieux de mener un deuxième diagnostic ? » A cette question, le réseau Diagamter avoue déjà réfléchir à un mode opératoire.  « Il faut une deuxième visite pour lever la non décence, mais il faut la faire accepter par les propriétaires, ce qui induit une réflexion sur le tarif », exprime le président.

Paul Philippot, délégué général de l’Union Nationale de la Propriété Immobilière soulève un paradoxe : « Pourquoi le diagnostic locatif gaz, qui à mon sens, est le plus important, ne paraît que maintenant, bien après le DPE ou l’ERNMT ? Même si les autres diagnostics locatifs sont entrés aujourd’hui dans les mœurs, l’UNPI observe un phénomène de lassitude, il y en a trop, mais paradoxalement ces deux nouveaux diagnostics sont très importants. Un article explicatif et pratique est prévu dans notre prochaine revue afin d’informer les propriétaires. »

Marché privé vs marché public

Aujourd’hui, la location représenterait 1 700 000 baux par an, soit le double du volume des ventes.

Outre ces chiffres, les diagnostiqueurs vont être confrontés à deux marchés distincts, d’un côté le privé avec les particuliers et de l’autre, le public. Vincent Wiart ne cache pas son scepticisme face aux bailleurs sociaux : « Les petits diagnostiqueurs devront s’écarter de ce marché qui sera principalement géré par de gros groupes comme Qualigaz. »

De son côté, Bruno Dumont Saint-Priest espère que la guerre des prix n’aura pas lieu : « Nous allons être confrontés à un marché concurrentiel, surtout celui des particuliers. La tendance va être de faire plaisir aux bailleurs et de fidéliser plus rapidement le client par rapport aux autres diagnostics, cependant j’espère que la profession n’en arrivera pas à pratiquer du low cost. La logique voudrait qu’on valorise ces deux nouveaux diagnostics. »

Quant au réseau Diagamter, il estime que : « Il faut refonder la relation du diagnostiqueur au professionnel de la location. Seule une organisation nationale, couvrant la quasi-totalité du territoire, avec une capacité de production dimensionnée pourra répondre aux enjeux des professionnels. »

A titre indicatif, un diagnostic gaz sur un appartement T3 sera estimé entre 90 et 130 € TTC (selon les distances, délais, etc.), un diagnostic électricité seul pour le même bien sera entre 100 et 150 € TTC. Pour une mission couplée, il faut prévoir 150 à 200 € TTC.

L’Union sociale pour l’habitat représente plus de 700 organismes HLM comptant au total un parc de 4 500 000 logements sociaux avec un taux de rotation de 10%. Cela induit 450 000 diagnostics gaz et électricité à réaliser dans l’année. Moins sans doute si l’on considère uniquement les installations de plus de 15 ans. « Sans succès, nous avons essayé de modifier la date du 1er juillet prochain pour les premiers diagnostics, qui nous paraît problématique pour lancer les appels d’offres, le délai de consultation n’étant pas rétractable. Ensuite, concernant les pratiques tarifaires, il me parait normal que ces deux diagnostics soient placés au même niveau que les diagnostics à la vente. Cependant, les 740 organismes HLM ont chacun leur propre politique. Les tarifs sont variables d’une région à l’autre », explique Raphaël Besozzi, responsable du département prescriptions techniques à l’USH, avant d’ajouter : « Pour le choix du professionnel, il y a souvent un réseau local qui se crée. Les diagnostiqueurs indépendants ont donc une chance d’être retenus car ils sont connus professionnellement ».

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