Rénovation énergétique : face à un « RGE » disqualifié, UFC-Que Choisir réclame la création d’une filière d’experts indépendants

décembre 08 10:24 2016

On prend les mêmes et on recommence… Un peu plus de deux ans après sa première enquête, l’UFC-Que Choisir alerte une nouvelle fois sur les failles et autres malfaçons du dispositif RGE. Car pour l’association consumériste, l’adoption de la loi de transition énergétique n’a pas changé la donne. Au contraire. « Les pouvoirs publics sont venus fixer de nouvelles ambitions alors que les objectifs annuels arrêtés par le Grenelle en 2009 étaient déjà manqués », souligne Alain Bazot, président d’UFC-Que Choisir. Résultat : le compte n’y est pas, que cela soit en termes de nombre de logements rénovés ou en matière de performance énergétique atteinte après travaux.

Un diagnostic sans appel

Le « constat affligeant » réalisé à l’époque s’est donc renforcé avec la nouvelle étude. Cette nouvelle édition pointe donc en premier lieu les « évaluations thermiques succinctes ». Dans 9 cas sur 10, les professionnels ont ainsi omis d’examiner les trois postes du bâti que sont l’isolation, la ventilation et la production de chaleur, avec des variables cependant selon le type de qualification RGE détenue.

visuel-3Logiquement, ces diagnostics majoritairement partiels ne peuvent donner lieu qu’à des préconisations de travaux du même acabit, c’est à dire « limités et incohérents » pour la grande majorité d’entre eux. L’association, qui a fait contrôler l’ensemble des études et audits par un expert indépendant, dénonce des « résultats à des années-lumière des objectifs ».

visuel-2Le nombre de préconisations fournies variant également du simple au double selon les professionnels. L’approche corporatiste, le « je vends ce que je sais faire », semble dominer.
Plus grave encore, les devis fournis par ces mêmes professionnels. « Les artisans ne maîtrisent pas les prix de revient, et semblent méconnaître dans leur très grande majorité les aides, exception faite du crédit d’impôt transition énergétique… Conséquence, les prix indiqués dans les devis se révèlent déraisonnablement élevés : les surcoûts peuvent atteindre 185% par rapport à un prix optimisé », s’étonne le président de l’association.
« Les conséquences de ces surcoûts sont triples, rappelle l’association. Ils ne permettent pas de rentabiliser les opérations de rénovation énergétique pour les consommateurs et rendent financièrement inaccessibles les travaux de rénovation pour un certain nombre de consommateurs, même avec les dispositifs d’aides. Enfin, ils font peser un surcoût sur les finances publiques. Même si le crédit d’impôt transition énergétique et l’Eco-Ptz plafonnent le montant de l’aide par prestation, ces prix excessifs restent trop largement subventionnés », note l’UFC, qui évoque également des pratiques commerciales « du même calibre » : « 97% des devis fournis sont non conformes et 71% des professionnels ne mentionnent pas leur compagnie d’assurance ».

Des recommandations multiples

Face à ce constat – qui ne devrait pas manquer de faire réagir les différents organismes professionnels mais aussi les politiques, période électorale oblige – l’UFC Que Choisir livre une série de recommandations techniques : `

  • Renforcement de la formation minimale obligatoire, d’une durée de 3 jours, « trop réduite au regard de la montée en compétences » demandée, et « alors qu’en parallèle, des formations d’une cinquantaine de jours existent ».
  • Accroissement des contrôles des professionnels détenteurs d’un signe de qualité RGE. Actuellement, le contrôle de l’entreprise RGE intervient dans les 24 premiers mois suivant l’obtention du signe de qualité, « et l’organisme ne doit contrôler que le respect des règles de l’art, et non la pertinence des solutions préconisées ».
  • Promouvoir une maîtrise d’œuvre coordinatrice, au regard de la faiblesse de la plupart des solutions du groupement des professionnels, qui ne permettent pas, sauf exception, de créer « une véritable dynamique » relève l’association. Elle plaide donc pour la mise en place d’une nouvelle profession de « chef d’orchestre » de la rénovation énergétique, un « architecte énergéticien ». Explications de Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie et environnement de l’association : « Cela ne serait pas obligatoirement un architecte ou un thermicien, mais un professionnel formé, certifié individuellement (et non au niveau de l’entreprise comme c’est actuellement le cas avec le RGE ndlr), contrôlé régulièrement et surtout en capacité de s’engager sur des résultats après travaux ». Une déclinaison française du modèle allemand en somme, déjà appelée de ses vœux par l’association à l’occasion lors de sa précédente étude.
  • L’absence de responsabilité des professionnels – et donc de garanties aux consommateurs – est en effet pointée par Que choisir comme la principale raison du manque de dynamisme actuel du marché de la rénovation énergétique. « L’absence de responsabilité sur la performance réelle, laisse place à des pratiques qui sont souvent exagérées (allégations fausses) pour vendre des produits à des prix parfois exorbitants. Ces pratiques sont rarement sanctionnées car rarement écrites noir sur blanc par les artisans, ou quand elles le sont, comme dans le cas des audits énergétiques, le professionnel se dédouane en indiquant que les informations n’ont qu’une valeur indicative. Cette situation explique la réticence des consommateurs à faire des travaux coûteux », argumente l’association, qui rappelle par ailleurs que sur ce point, la loi loi de transition énergétique n’a pas permis d’avancée. Au contraire, elle a accentué « l’insécurité juridique que pèse sur le consommateur », notamment avec « l’abandon de la clause de solidarité qui lie les groupements d’artisans en l’absence de maître d’œuvre » ou l’assouplissement de la garantie décennale en matière de performance énergétique (il faut désormais que le consommateur fournisse la preuve de coûts d’utilisation exorbitants).

Zoom: Méthodologie de l’étude de l’UFC Que Choisir :

« Le propriétaire d’une maison cherche à réduire sa facture d’énergie de manière significative (la diviser au moins par deux). Pour cela il contacte plusieurs professionnels qualifiés RGE.

Au total 10 RGE « offre globale », 16 pros RGE « éco-artisans » et « pros de la performance énergétique », 11 pros RGE sur une spécialité et 5 auditeurs avec une qualification RGE études ont ainsi été testés.

Sur cette petite cinquantaine de professionnels contactés 35 ont remis un devis et 7 une évaluation ou un audit thermique. L’ensemble des devis et évaluations thermiques ont été réalisés gratuitement par les professionnels, seuls les 5 audits thermiques ont été payants (entre 900€ et 1140€).

Le passage des professionnels s’est déroulé entre mi-août et début septembre 2016, dans 10 maisons situées dans 10 départements français (Morbihan, Bouches-du-Rhône, Landes, Oise, Vienne, Hérault, Eure-et-Loir, Meurthe-et-Moselle, Ille-et-Vilaine, Cher).

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