L’ardoise pour le maître d’ouvrage, pas pour le diagnostiqueur

avril 10 08:29 2017

Ce récent arrêt illustre la tendance à vouloir faire supporter à tout prix le coût du désamiantage par le diagnostiqueur. Dans le cas présent, la procédure s’est retournée contre le donneur d’ordre, puisque la cour d’appel de Grenoble a considéré qu’il avait failli à ses obligations.

Trois repérages sur six ans, et à chaque fois, le rapport mentionne l’amiante dans la toiture de la grange. En partie du moins. Dans son premier rapport, un constat vente réalisé en 2006, la société de diagnostics conclut à la présence d’ardoises de fibrociment en réparations ponctuelles côté sud-est, en bon état de conservation. Deux ans plus tard, dans un repérage avant-travaux cette fois, la même société évoque à nouveau des ardoises en amiante ciment mais sur la partie nord-est de la toiture. Toujours en bon état de conservation. Enfin, un troisième diagnostic sera réalisé à nouveau en 2010, à l’occasion de la mise en copropriété, mais reprenant le repérage amiante effectué deux ans plus tôt.

Lors de travaux de rénovation, la SCI propriétaire n’a pas jugé bon de mener des investigations supplémentaires. Si bien que l’entreprise intervenant sur les lieux n’a pas pris de précautions particulières pour démonter les ardoises et ouvrir les chevêtres afin de poser des vélux. La pente ouest de la toiture était cependant couverte d’ardoises en fibrociment dégradées. Intervention de l’inspection du travail, arrêt de chantier immédiat, retards, surcoûts…, la machine judiciaire s’enclenche.

430 000 euros d’indemnisation réclamés

En première instance, le TGI d’Annecy avait condamné la société de diagnostics à verser 34 000 euros en réparation du préjudice correspondant à la baisse de prix que l’acquéreur aurait pu obtenir s’il avait eu connaissance de l’ampleur de la présence d’amiante dans la toiture. Insuffisant aux yeux du propriétaire qui a fait appel, estimant que son préjudice englobait le coût du désamiantage, mais aussi les frais liés à l’arrêt et au retard de chantier. Au total, il réclamait ainsi plus de 430 000 euros d’indemnisation !

La cour d’appel de Grenoble a cependant infirmé totalement ce jugement, écartant la faute du diagnostiqueur. « Les mentions des rapports concernés, localisant l’amiante sur la couverture du bâtiment, répondent suffisamment à l’obligation d’indiquer la localisation et l’état de conservation des matériaux et produits conformément aux textes réglementaires applicables. » Même si la société de diagnostics a « limité la présence d’amiante à la pente est », la cour d’appel considère  que le diagnostiqueur n’a commis aucune faute: « la mission de l’entreprise de diagnostic n’exigeait pas la réalisation de prélèvements et d’analyse en laboratoire, lorsque le produit ou le matériau, par simple constat visuel, n’est pas susceptible de contenir de l’amiante. » Autrement dit, le diagnostiqueur ne pouvait suspecter la présence d’amiante par simple constat visuel sur les ardoises de la pente incriminée. La responsabilité de la société est donc écartée.

La cour d’appel retient également que le gérant de la SCI propriétaire, maître d’ouvrage en l’occurrence et architecte de surcroît, « devait s’assurer de l’absence de risque, par un repérage précis des matériaux, puisqu’il avait été averti de la présence d’amiante ». « Au lieu de cela, la SCI s’est contentée de son interprétation unilatérale du rapport de diagnostic. » Pourquoi un nouveau repérage avant-travaux plus précis aurait dû être effectué ? La cour d’appel précise que le diagnostiqueur avait en effet effectué « un constat de  repérage général, sans avoir connaissance des travaux envisagés par la SCI. » La cour d’appel a donc débouté la SCI propriétaire de ses différentes demandes.

Cour d’appel de Chambéry, 2e chambre, 16 mars 2017, n° 14-02623

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