DPE erroné, le diagnostiqueur condamné à de lourds travaux

mars 26 10:59 2012

La décision fera-t-elle jurisprudence ? L’arrêt rendu mi-décembre par la cour d’appel d’Angers interpelle à la fois par la lourdeur de la condamnation et par la nature de la mise en cause. Les plaignants ne réclamaient non pas une réduction du prix d’achat invoquant une « classique » perte de chance, mais plutôt l’indemnisation des travaux nécessaires à leur bien. Et le tribunal leur a donné raison.

Estimation impossible

Au commencement, il y a une erreur dans les estimations de consommations du DPE lors d’une transaction opérée en 2007. Une erreur de taille. Selon la société de diagnostics, les consommations annuelles étaient estimées à 960 euros pour le chauffage et 327 euros pour l’eau chaude sanitaire. Bien en deçà de la réalité comme ne tarderont pas s’en apercevoir les acquéreurs de cet entrepôt industriel transformé en habitation par les vendeurs.

A titre indicatif, les acquéreurs commandent donc la réalisation d’un nouveau DPE : l’estimation des consommations culmine désormais à 5 689 euros annuels et pointe du doigt une insuffisance de l’isolation. Les acquéreurs portent donc l’affaire en justice attaquant les vendeurs, le notaire et le diagnostiqueur. L’expert mandaté est clair : il apparaît impossible d’atteindre l’estimation de 960 euros, même après travaux ! « La somme pourrait correspondre à un logement T2 soumis à la réglementation RT2005 dans en Sarthe, mais certes pas au logement litigieux », reprend l’arrêt de la cour d’appel.

L’expertise révélera, en outre, l’absence d’isolation thermique en dehors d’IMR (isolant mince réfléchissant) et estimera le montant des travaux de reprise à près de 200 000 euros dans cet ancien local professionnel.

Pour sa défense, la société de diagnostic soutenait n’avoir commis aucune faute puisque seul un sondage destructif aurait pu mettre à jour les désordres constatés ; sondage n’entrant pas dans le cadre de sa mission. Défense pertinente, mais mise à mal puisque le second DPE, pourtant totalement discordant sur les estimations, avait été réalisé, lui-aussi, selon un simple examen visuel.

Jugement confirmé en appel

Condamné en première instance, ce diagnostiqueur vient de voir le jugement confirmé en appel. Pour la Cour d’appel, un simple constat visuel dans les combles où l’absence d’isolation thermique était évidente, aurait permis de parvenir à une estimation de la consommation énergétique plus réaliste. Fait aggravant, les juges ont reproché au professionnel de ne pas avoir rempli son devoir de conseil en attirant l’attention, dans son rapport, sur les limites de sa mission : « à supposer exact que seules des investigations destructrices pouvaient lui permettre de proposer un diagnostic fiable, il appartenait à la société X, professionnel avisé, de signaler cette difficulté afin que soit relativisé l’avis par elle formulé. »

Contrairement au jugement de première instance condamnant la société de diagnostic à 80 000 euros, la Cour d’appel a cependant estimé que le manquement du diagnostiqueur allait au-delà de la seule perte de chance. En d’autres termes, le professionnel est tenu solidairement responsable avec les vendeurs et le notaire de la réparation de l’entier préjudice. Motif ? « Les manquements commis par le diagnostiqueur et le notaire ont directement contribué à l’apparition de cette situation dommageable. » A savoir, l’acquisition d’un bien transformé ne répondant pas totalement à sa finalité. Diagnostiqueur et notaire sont donc tenus solidairement avec les vendeurs, à réparer les dommages et à verser les sommes de 100 000 euros et 20 000 euros à titre de provision.

Cour d’appel d’Angers, chambre commerciale, 13 décembre 2011

ecrire un commentaire

0 Commentaire

Pas de commentaire !

Vous pouvez commencer la discussion.

Ajouter un Commentaire