Accessibilité des ERP: où en est-on ? (Elise Jacot)

juin 20 09:21 2016
Elise Jacot est avocate au barreau de Nantes (Cornet Vincent Segurel)

Elise Jacot est avocate au barreau de Nantes (Cornet Vincent Segurel)

Encore aujourd’hui de nombreux bâtiments publics semblent difficiles d’accès aux personnes handicapées. Pourtant la loi initiale fixait une date limite au 31 décembre 2014 pour se mettre aux normes.

Où en est-on de l’accessibilité des établissements ? Que dit la loi ? Y – a-t-il de nouvelles préconisations ?Le décryptage de Maître Elise Jacot, Avocat au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel (bureau de Nantes).

Accessibilité des ERP : des précisions et des sanctions

Sur le long chemin qui mènera à l’accessibilité pour tous des établissements recevant du public (ERP), la souplesse fait aujourd’hui place à la contrainte alors que l’ensemble du bâti existant est encore loin de respecter les exigences imposées par la loi malgré un calendrier clair prévu par les textes.

Rappelons que pour atténuer l’effet couperet de la date limite de mise aux normes des établissements, fixée initialement au 31 décembre 2014, la loi du 26 septembre 2014 a créé, l’agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP).

Cet Ad’AP contenant un programme de travaux de mise en accessibilité, un calendrier et précisant les modalités de financement de réalisation desdits travaux devait être déposé par le propriétaire des locaux ou l’exploitant avant le 27 septembre 2015 sauf demande de prorogation motivée. Ce nouvel outil de planification devait permettre aux établissements non conformes d’établir un tableau de bord pour parvenir aux objectifs imposés par la loi avant d’éventuelles sanctions civiles et pénales.

Quatre décrets d’application étaient alors parus le 5 novembre 2015 pour préciser les conditions de sa mise en œuvre.

En pratique, le dépôt de l’agenda n’est pas sans poser de nombreuses difficultés liées notamment au coût important que peuvent représenter ces travaux et à la détermination du débiteur final de cette charge. Se pose également la question de l’urgence de réaliser des travaux qualifiés d’obligatoires mais qui n’ont fait l’objet d’aucune injonction administrative.

Dans ce contexte, les contentieux entre bailleurs et locataires se sont rapidement multipliés aboutissant à des décisions judiciaires au cas par cas.

Ainsi, un bailleur peut être condamné en référé à déposer l’Ad’AP sous astreinte et, dans une même décision, à exécuter les travaux visés dans cet Ad’AP alors que lesdits travaux ne sont pas déterminés.

Un nouveau décret n°2016-578 du 11 mai 2016 entré en vigueur le 14 mai 2016 précise aujourd’hui le mécanisme de mise en conformité et la procédure de contrôle.

Le responsable de la démarche accessibilité

Selon le nouvel article R. 111-19-32 du Code de la construction et de l’habitation, « le propriétaire » de l’établissement ou de l’installation soumis à l’obligation d’accessibilité est responsable des démarches de mise en accessibilité de l’établissement. Il est également responsable de la transmission des éléments de suivi de l’Ad’AP et de l’attestation d’achèvement de cet agenda.

Cet article précise néanmoins que « ces obligations incombent toutefois à l’exploitant de l’établissement ou de l’installation lorsque le contrat de bail ou la convention de mise à disposition lui transfère les obligations de mise en accessibilité faites au propriétaire ».

La question de l’efficacité des clauses de transfert des travaux de « mise en conformité » au preneur classiquement prévues dans les baux aujourd’hui demeure malgré tout alors que le texte vise strictement les travaux de « mise en accessibilité ».

Il est également intéressant de noter que ce même article prévoit un mécanisme de cosignature de l’Ad’AP entre plusieurs personnes s’engageant financièrement « sans que cette circonstance ait pour effet d’exonérer le propriétaire ou l’exploitant des obligations qui lui sont faites par le présent article ».

La mise en œuvre des sanctions

L’article L.111-7-10 du Code de la construction prévoyait déjà :

– une sanction pécuniaire forfaitaire de 1 500 € ou 5 000 €, selon les cas, en l’absence non justifiée, de dépôt du projet d’agenda d’accessibilité programmée dans les délais prévus à l’article L. 111-7-6 ;

– une sanction pécuniaire forfaitaire de 1 500 € ou 5 000 €, selon les cas, en l’absence, non justifiée, de transmission des documents de suivi prévus par le décret mentionné à l’article L. 111-7-9 ou la transmission de documents de suivi manifestement erronés ainsi que l’absence de transmission de l’attestation d’achèvement à chaque autorité administrative compétente.

L’article L.711-7-11 du CCH instaurait également une procédure de constat de carence à mettre en oeuvre par l’autorité administrative qui a approuvé l’Ad’AP.

Le décret du 11 mai 2016 précise ce dispositif de sanctions et les modalités de leur mise en œuvre par l’autorité qui a approuvé l’agenda.

La procédure sera dorénavant la suivante :

– Le responsable des obligations sera mis en demeure de justifier de leur respect par courrier recommandé avec avis de réception.

– Il devra alors produire les justificatifs nécessaires dans le délai de 1 mois à compter de la réception de ce courrier, assorti éventuellement de l’agenda ou de l’engagement de le déposer dans un délai inférieur à 6 mois.

– En l’absence de réponse dans le délai imparti, ou en cas de documents erronés ou insuffisants, la personne responsable sera mise en demeure de produire des justificatifs probants dans un délai de 2 mois ou l’attestation d’achèvement des travaux.

– En cas de refus de produire ces éléments, elle encourra une sanction pécuniaire.

– Une procédure de constat de carence pourra alors être diligentée, la notification comprenant les faits qui la motivent et les sanctions encourues.

Il est aujourd’hui incontournable pour les établissements de faire procéder à un diagnostic de leurs locaux afin d’apprécier l’ampleur des interventions à envisager. Lorsqu’un bail ou une convention d’occupation a été conclue, le diagnostic sera initié par l’exploitant qui pourra alors se mettre en relation avec son bailleur.

Pour les établissements qui se considèrent en conformité, la préconisation est d’envoyer à l’autorité compétente l’ « attestation d’accessibilité » prévue à l’article R 111-19-33 du Code de la construction et de l’habitation ce qui leur permettra de se préconstituer la preuve du respect de leurs obligations.

Il n’est jamais trop tard pour anticiper.

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1 Commentaire

  1. DIAGPMR13
    octobre 18, 17:30 #1 DIAGPMR13

    Le diagnostic accessibilité… quelle hypocrisie…
    Les textes réglementaires, les lois, les décrets, les arrêtés et j’en passe… à quoi servent ils..?
    combien d’architectes, de maître d’œuvres respectent (sans parler de leurs compétences..?) ces obligations lors de la livraison d’ERP neufs..? il suffit d’ouvrir les yeux en fréquentant la quasi totalité des commerces.
    à quoi servent les commissions d’accessibilité? de sécurité?
    alors pour ce qui est de la mise en accessibilité des ERP anciens…
    et enfin, portons un regard objectif sur la réelle demande du marché… les obligations ne sont faites que pour être contournées, et c’est la que le bas blesse… plus d’une demande de diagnostic accessibilité sur deux est formulée en ce sens par les prescripteurs… « comment ne pas avoir à déposer l’Ad’Ap ou comment être dispensé des travaux…? »
    voilà la réalité du marché…

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